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Jean Benoit-Lévy

Réalisateur et producteur Français (1888-1959)
English Version

« Jean Benoit-Lévy un homme de son temps ou l’émotion de la vie »


Jean Benoit-Lévy est né le 25 avril 1888, rue des Archives à Paris. Son frère aîné, Georges devient le promoteur des « Cité-jardins » et sa sœur cadette Suzanne s’occupe d’une école. Il choisit pour sa part, après des études secondaires au lycée Voltaire et son service militaire, de suivre la carrière embrassée par son oncle Edmond.

Edmond Benoit-Lévy est une personnalité de premier plan, un visionnaire quant au devenir du cinéma. Avocat de formation, il est le fondateur de la première revue corporative Phono-Ciné-Gazette (1905) et le propriétaire de la première salle de cinéma de Paris L’Omnia-Pathé (1906). Une salle luxueuse et confortable pour un public qu’on souhaite sédentaire et bourgeois à une époque où les films étaient encore diffusés dans les bazars ou dans les foires. En signant avec Michel Carré, le créateur de la pantomime L’enfant prodigue, un contrat d’auteur pour l’adaptation qu’il choisit de produire, il rend compte de sa conception du cinéma. En effet, ce qui n’est encore qu’un divertissement mécanique est à ses yeux l’égal des arts car il y reconnaît la présence d’un auteur. Ce geste se révèle primordial pour la légitimation du statut et du droit d’auteur au cinéma. Aux côtés de Jean Macé (fondateur de la Ligue de l’enseignement) ou de G.-M. Coissac (fondateur des revues Le Fascinateur et Le Cinéopse) il œuvre pour la transmission du savoir par l’image fixe ou animée, dans des séances d’éducation populaire. Il est le fondateur de la Société populaire des Beaux-Arts.

Jean après son service militaire, entreprend sur les conseils de son oncle un parcours d’ « apprentissage ». Il travaille d’abord aux laboratoires Pathé et Gaumont, puis en 1913, découvre le métier de réalisateur aux établissements Lordier, éditeur de la revue Cinéma et spécialiste des « chansons filmées ». Ces premières expériences sont interrompues par la guerre, mobilisé il est blessé par balles et décoré de la croix de guerre. Revenu en ses foyers, il entre au service de son oncle comme secrétaire général de L’Omnia Pathé, poste qu’il occupe jusqu’en 1921.

En 1920 il épouse Lucy Sophie Bloc et en 1922 il crée sa société L’Edition française cinématographique qui, comme les statuts le précisent, « a pour but la production de films d’enseignement et d’éducation ». La Ville de Paris l’a chargé, en collaboration avec Adrien Bruneau, de la réalisation de films d’enseignement pour les écoles professionnelles municipale (Estienne, Boulle, etc.). Adrien Bruneau, un des pionniers du cinéma d’enseignement, est le directeur de la cinémathèque d’enseignement professionnelle et celui de la cinémathèque de la ville de Paris, instituées officiellement en 1926. Paul Laffitte, l’éditeur des Editions de la Sirène lui alloue un bureau. Paul Laffitte a publié les ouvrages de Louis Delluc et de Blaise Cendrars et sur les conseils de ce dernier, il a édité en 1921 le premier livre de Jean Epstein, avant de l’engager comme secrétaire. Jean Benoit-Lévy et Jean Epstein se sont liés d’amitié. Les raisons sont personnelles, mais on peut supposer une parenté de vue, car l’avant-garde dans ses programmations n’hésitait pas à associer aux films de fiction, des documentaires ou des essais scientifiques, comme ceux de micro-cinéma du Docteur Comandon par exemple.

En 1922, Jean Benoit-Lévy entreprend, pour la Ville de Paris, la réalisation d’une biographie cinématographique de Pasteur, destinée à accompagner les manifestations célébrant le centenaire de sa naissance. Il en confie la réalisation à Jean Epstein car, outre ses connaissances cinématographiques, il est doté d’une culture scientifique. Jean Epstein alors qu’il résidait à Lyon a suivi des études de médecine et a été le secrétaire de Louis Lumière. Il signe là son premier film et le succès rencontré lui vaudra d’être engagé par Pathé, le distributeur. Jean Epstein s’oriente vers la fiction et Marie, la sœur de ce dernier, devient la principale collaboratrice de Jean Benoit-Lévy, son « homme de confiance », l’aidant à réaliser lui-même les films à venir. Les liens se poursuivent tout au long de leurs vies et prennent selon les périodes des facettes différentes : Marie est à la fois la scénariste de son frère et de Jean Benoit-Lévy ; Jean Epstein réalise pour celui-ci trois autres documentaires (La Bretagne – 1936, Eau vive - 1938 et Les feux de la mer – 1948), et est le producteur français des 25 films de danse, réalisés dans les années cinquante.... A l’évidence s’est créée entre ces trois personnes une amitié en forme de familiarité, une famille de cinéma.

Au cours des années trente Jean Benoit-Lévy réalise plus de 300 documentaires. Aux commandes de la Ville de Paris s’associent celles du Ministère de l’agriculture et celles des services de propagande du Ministère de la santé, qui tente d’enrayer les ravages causées par la tuberculose, en reprenant les méthodes mises en place par la fondation Rockefeller. Jean Benoit-Lévy est devenu un expert de l’enseignement et de l’éducation par le cinéma. Il montre ses films au cours de conférences qui se déroulent aussi bien en province, lorsqu’elles sont organisées par les Offices régionaux, qu’à Paris dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne ou au Gaumont Palace, en présence alors des représentants de l’Etat, comme M. Herriot, le Ministre de l’Instruction publique. En 1924 il est nommé délégué adjoint à MM. Louis Lumière et Henri Focillon, membres de l’Institut International de Coopération Intellectuelle, dirigé par Julien Luchaire, crée dans le cadre de la Société des Nations. La première opération d’importance mise en place par l’Institut est l’organisation en septembre 1926, à Paris, par le Comité national français, d’un Congrès International du Cinématographe, et Jean Benoit-Lévy est un des rapporteurs. Les membres de ce Comité national français étaient entre autres Henri Bergson, Antoine Bourdelle, Marie Curie, Julien Luchaire, Louis Lumière et Paul Valery. Cette conception du cinéma comme instrument de connaissance et de science l’incite à fonder en 1926, avec les Dr Roussy et Gosset, le Comité d’enseignement médico-chirurgical par le cinéma, dont les travaux sont interrompus en 1940 par la guerre. Secrétaire adjoint du Comité, il réalise sous leur direction plusieurs documentaires de chirurgie. Il est également syndic de la Presse scientifique.

Pour lui ces images composent des « films de vie » dont la fonction est sociale et la vocation humaine. Jean Benoit-Lévy, en acceptant des responsabilités au sein d’associations fédérant le cinéma éducatif, s’attache principalement à promouvoir un cinéma « documentaire ». Avec Germaine Dulac, déléguée également auprès de la Commission Internationale de Coopération Intellectuelle, ils militent pour l’éducation des classes populaires et voudraient favoriser la production et la diffusion d’un cinéma différent. Avec elle, il s’attache à réglementer le statut d’auteur de film auprès de la SACD, il fonde le Syndicat des réalisateurs de film et la Société des Artisans d’Art du Cinéma, coopérative dont il est le président. Ce dernier groupement fédérait les principaux documentaristes d’alors, ils étaient en contact avec les réalisateurs qui travaillaient aux côtés de John Grierson à Londres, au General Post Office film Unit.

Ces « films de vie » si toujours ils recourent à la beauté des images, soignant les cadres et les montages, font parfois appel à la fiction, car alors il s’agit d’éduquer le public en dehors des bancs de l’école. Il était une fois trois amis (film de prévention contre la syphilis) ou Maternité (film nataliste) par exemple ont des récits portés par des comédiens en situations fictives. Ils participent pleinement à ce désir d’élever les âmes en touchant les cœurs. La distinction entre ces premiers long-métrages muets réalisés à des fins éducatives (Ames d’enfant – 1927 ; Peau de pêche – 1928 ; Il était une fois trois amis – 1928 ; Maternité – 1929 ; La Maison – 1930) ; ou les huit longs métrages parlants réalisés au cours des années trente (Jimmy Bruiteur – 1930 ; Cœur de Paris – 1931 ; La Maternelle – 1934 ; Itto – 1935 ; Hélène – 1936 ; La Mort du cygne – 1937 ; Altitude 3200 – 1938 ; Feu de Paille – 1939) semble artificielle. Une même personnalité les anime et seuls les circuits de distributions diffèrent. En effet, ce n’est pas sans difficulté, que Jean Benoit-Lévy parviendra a être reconnu comme réalisateur de films, par les circuits classiques de production. Il lui faudra un temps certain avant de convaincre un producteur d’entreprendre La Maternelle et La Mort du Cygne lui vaudra un procès avec le producteur qui, sans l’en informer, avait coupé des scènes.

Ses engagements multiples, sociaux et politiques, l’ont rapproché du pouvoir, il est attaché en 1939 au service de Jean Giraudoux qui dirige alors le Commissariat général à l’information, et sa notoriété avant-guerre est importante. Le nom est connu de tous à une époque où l’antisémitisme est très fortement sollicité par la presse d’extrême-droite. Ce nom qu’on fait disparaître des génériques et du matériel d’exploitation sous l’Occupation, pour continuer à distribuer les films ; disparition qui explique en partie l’amnésie d’aujourd’hui. Il est associé à cette communauté que les journalistes de l’Action française désignent comme formant « Les tribus du cinéma et du théâtre ». Alors que la seconde guerre éclate, on lui conseille de quitter Paris et son départ précède de peu la spoliation de ses biens par les autorités d’Occupation. Son portrait photographique figure dans l’exposition, Le Juif et la France, organisée à Paris au Palais Berlitz. Jean Benoit-Lévy, avec sa femme et ses deux filles, trouve refuge à Monflanquin, petit village du Lot et Garonne. S’il croit encore au relèvement de la France incarnée par le Maréchal Pétain, les lois modifiant le statut des juifs, lui ôtent ses derniers doutes : les négatifs de ses films ont été enlevés des laboratoires par les autorités allemandes. Ses activités pour la fondation Rockefeller ; les liens tissés avec les milieux éducatifs américains au sein de l’Institut du Cinématographe Educatif de la S.D.N. ; la mission accomplie à la demande du ministre de l’Education nationale, M. Mario Roustan, aux Etats-Unis en 1935 (dont le rapport est publié sous le titre L’Instruction visuelle aux Etats-Unis, éditions du Cinéopse, 1936) ; le fait qu’il soit membre du comité responsable du choix des documentaires pour l’exposition de New-York de 1939 ; aideront à son départ vers l’Amérique. Il écrit à William Hays – président de la Motion Pictures Producers and Distributors en lui rappelant la proposition qui lui avait été faite de travailler pour l’éducation par le film aux Etats-Unis. En réponse il reçoit une proposition de Alvin S. Johnson, président de la New School for Social Research de New-York, école qui bénéficie des subsides de la fondation Rockefeller, l’engageant comme « Associate Professor of pédagogical cinématographie », mais les appointements sont modestes. En août 1941, à l’âge de 53 ans, Jean Benoit-Lévy, sa femme et ses deux filles arrivent à New-York.

Outre ses activités de professeur à la New-School, Jean Benoit-Lévy dès son arrivée, entreprend un grand nombre de conférences au sein des Alliances françaises ou des départements d’études françaises dans les universités américaines. En février 1942, au sein de la New School, avec Jacques Maritain, Henri Focillon, Alexandre Koyré, Claude Levi-Strauss, Roger Caillois mais aussi Fernand Léger et d’autres exilés, français et belges, ils créent l’Ecole Libre des Hautes Etudes, une université française comportant trois facultés : lettres, sciences et droit, reconnue par le Comité National de la France Combattante du général de Gaulle. Au sein de cette université Jean Benoit-Lévy a fondé un Centre d’Art dramatique, cinématographique et photographique, dont il est le directeur. Pour se rapprocher de la fondation Charles Boyer à Hollywood, il lui demande d’en être le président d’honneur. Heureusement la guerre prend fin et les français de New-York rentrent d’exil. Jean Benoit-Lévy, quant à lui est solicité par l’O.N.U., en 1946 il est nommé directeur de cinéma et des moyens d’information visuelle de cette institution. Il met en place un programme international de productions et à sa demande Jean et Marie Epstein écrivent un certain nombre de projets. Seul Les feux de la mer sera achevé car il rencontre des difficultés budgétaires. Ces aléas associés à ses désirs de revenir à son métier de réalisateur et de rentrer en France, font qu’il démissionne de ses fonctions en 1949 tout en demeurant directeur d’honneur.

En décembre 1949 il pense pouvoir revenir à Paris car on lui propose de succéder à Marcel L’Herbier à la direction de l’IDHEC, mais l’école connaît trop de difficultés avec le C.N.C. son administration de tutelle. En contact avec Richard de Rochemont, producteur de March of Time (émission de reportages), pour une adaptation de la Beauté de la terre de Ramuz, il parvient à intéresser celui-ci à la coproduction avec l’O.R.T.F. et avec l’Edition française cinématographique, dirigée alors par Jean Epstein, de films de danses. La réalisation de ces films dans les studios de la télévision française lui permet de retrouver le territoire national et il se réinstalle à Paris. Ces 25 ballets interprétés par de grands danseurs (Jeanine Charrat, Claude Babilée…) et orchestrés pour certains par Jean Wiener seront ses dernières réalisations.

Les dernières années de son existence prolongent les engagements administratifs accomplis avant-guerre au sein de la S.D.N. En 1956, alors qu’il en est membre depuis sa création, c’est-à-dire 1930, il est nommé conseiller aux relations internationales du Comité international C.I.D.A.L.C. (Comité International pour la Diffusion Artistique et Littéraire par le Cinématographe). Il siége au Comité exécutif et au Comité directeur. En 1958 sous les auspices de U.N.E.S.C.O il participe activement à la création du Comité International du cinéma et de la télévision (C.I.C.T.). Ces groupements de professionnels visent principalement à informer et récompenser les œuvres ou les manifestations jugées d’un intérêt international. Des annuaires regroupant les calendriers des manifestations à travers le monde ou les coordonnées d’organismes comme la Fédération Internationale des Ciné-Clubs ou Fédération Internationale du film sur l’Art, sont publiés. Des festivals consacrés au documentaire sont encouragés et des films sont primés : le Van Gogh d’Alain Resnais est récompensé par le C.I.D.A.L.C..

Jean Benoit-Lévy décède le dimanche 2 août 1959 à l’âge de 71 ans. Il désirait toujours mettre en scène et rêvait d’un film sur les enfants du monde entier adoptés par Joséphine Baker.


Valérie Vignaux

Photo : Jean Benoit-Lévy - Collection Lilliane Jolivet

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